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Le Monde - Voyage au but de la folie

Venerdì 27 Gennaio 2012 09:52

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Voyage au bout de la folie Pippo Delbono

Critique | LEMONDE | 26.01.12 | 15h12

Quel est le plus fou, du monde dans lequel on vit ou de l'univers scénique de Pippo Delbono ? Une nouvelle fois, avec son dernier spectacle, Dopo la battaglia (Après la bataille), l'homme de théâtre italien oppose à la normalisation générale, à l'aliénation robotisée, la beauté libertaire de son théâtre, qui redonne en cadeau au spectateur une humanité fragile et indissoluble - indissoluble parce que fragile.

Après la guerre (Guerra), après la rage (La Rabbia), après le cri (Urlo), après le mensonge (La Menzogna), le voilà donc "après la bataille". Le titre ne marque en rien un renoncement : jamais sans doute Pippo Delbono ne s'était promené avec une telle liberté dans l'espace de la scène que dans ce spectacle qui est à la fois un voyage dans la folie et l'enfermement, un hommage à la chorégraphe Pina Bausch et un chant funèbre pour une Italie "esclave" et "bordel", comme le disait déjà Dante.

C'est d'ailleurs par un fait réel que commence Après la bataille, sous une photo de Berlusconi recevant la communion : "Ce spectacle devait être une oeuvre lyrique présentée au Théâtre Bellini de Catane, dit Pippo Delbono au micro. Un spectacle avec la musique de Verdi, un peu suscité aussi par le 150e anniversaire de l'unité italienne. Et puis il y a eu la crise, les coupes dans les budgets culturels ont peu à peu réduit le projet. D'abord les solistes ont disparu, puis le choeur a disparu, l'orchestre a disparu, et à la fin c'est tout le projet d'opéra qui avait disparu."

Alors, dans l'espace gris qui évoque la prison ou l'hôpital psychiatrique, Pippo Delbono emmène dans son théâtre unique, qui ne raconte pas une histoire mais entrechoque la prise de parole la plus directe par le metteur en scène, dans la lignée de Pasolini, des éclats de vie et de purs moments de théâtre, de danse et de musique qui éclatent comme une déflagration, comme le rouge sur la grisaille des murs. A l'image du choeur des esclaves de Nabucco, de Verdi, "le" symbole de la liberté italienne.

Enfermée à l'asile

C'est, par exemple, une scène du Procès de Kafka, celle de l'homme qui attend, des années durant, à la porte de la Loi, qu'on l'autorise à entrer. Ce sont ces images d'internés, qui s'entrelacent avec la voix d'Antonin Artaud dans En attendant le jugement de Dieu, ou avec les textes de la poète Alda Merini, enfermée à l'asile, et qui dit : "Les déments, je les ai rencontrés quand je suis sortie."

C'est encore Pippo qui dialogue avec sa mère, sa "mamma" qui le nourrit trop, puis lit le texte de Pasolini sur "les mères lâches, avec sur leur visage la peur ancestrale". C'est le grand violoniste roumain Alexander Balanescu qui, lui, se souvient de sa mère, "qui a toujours vécu une perte". Et c'est une autre poète, Alejandra Pizarnik, qui songe qu'"un jour, nous reviendrons à être".

C'est bien à cela qu'invite le spectacle de Pippo Delbono, à "revenir à être", dans la force et la grâce d'une présence qui est celle des "comédiens" habituels de sa troupe : Nelson Lariccia, l'ancien clochard, Gianluca Ballarè, le trisomique au sourire si doux, et puis Bobo, bien sûr, la star de la compagnie, Bobo, microcéphale et sourd-muet, qui a passé cinquante ans en asile psychiatrique avant que Pippo Delbono ne le sorte de là, Bobo qui est le roi de ce spectacle, présence irradiante de joie, de malice pure.

Des petits nouveaux les ont rejoints, notamment Marigia Maggipinto, danseuse historique de Pina Bausch, sur laquelle Pippo Delbono raconte cette histoire : "Un jour, elle a rencontré un groupe de Gitans qui l'a invitée à danser avec eux. Elle a eu peur de ne pas être capable de danser comme eux. Alors une des Gitanes s'est approchée et lui a dit : "Danse, Pina, danse, sinon nous sommes perdus.""


Dopo la battaglia (Après la bataille), par Pippo Delbono. Théâtre du Rond-Point, 2 bis, avenue Franklin-D.-Roosevelt, Paris 8e. Tél. : 01-44-95-98-21. Jusqu'au 29 janvier. A 21 heures, dimanche à 15 heures. De 10 € à 34 €. Durée : 2 heures. En italien surtitré. Puis tournée, à Caen du 21 au 23 mars, à Toulouse du 28 au 31 mars et à Valence le 3 avril.

Sur le Web : www.theatredurondpoint.fr.

Fabienne Darge

 

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